Financement de la perte d’autonomie : ce que pensent vraiment les Français
Une nouvelle enquête révèle les préférences, blocages et attentes de la population face à un enjeu clé de notre modèle social.

Paris, le 24 juin 2025 - Face au vieillissement accéléré de la population et à la hausse attendue des besoins en accompagnement des personnes en situation de perte d’autonomie, une enquête nationale menée en mai 2025 auprès d’un échantillon représentatif de 1 001 Français apporte un éclairage inédit sur l’état de l’opinion publique. Cette étude, initiée cinq ans après une première investigation sur le sujet, met en lumière l’évolution des perceptions, les scénarios de financement jugés les plus acceptables, ainsi que les lignes de fracture au sein de la population.
La dépendance, un risque reconnu, mais pas encore prioritaire
Si près de 70 % des répondants considèrent que la dépendance représente un risque majeur pour notre société, elle reste reléguée derrière d’autres priorités budgétaires, comme la santé, le pouvoir d’achat ou la défense. Ce paradoxe illustre un phénomène bien connu : une prise de conscience diffuse, mais une mobilisation encore timide.
Le constat est sans appel : 72 % des Français ne se sentent pas directement concernés, ni pour eux-mêmes ni pour leurs proches. Cette distance se traduit par une inertie individuelle marquée : 8 personnes sur 10 n’ont pris aucune mesure d’anticipation (assurance dépendance, épargne dédiée, réflexion sur le logement). Ce déficit d’action s’explique en grande partie par un manque d’information : 71 % des personnes interrogées estiment être mal informées sur les solutions existantes, tant collectives qu’individuelles.
Un rejet marqué de la hausse des impôts comme levier de financement
Quatre scénarios de financement ont été testés afin de mieux cerner les préférences des citoyens. Résultat : l’idée d’un maintien du niveau actuel de prise en charge financé par une hausse généralisée des impôts et cotisations est clairement rejetée (moins d’un tiers y adhèrent, même en deuxième intention).
À l’inverse, les Français privilégient :
- Le redéploiement des dépenses publiques existantes vers la dépendance (34 % en premier choix, 59 % en second),
- Un renforcement de la participation individuelle, ciblée sur les capacités contributives (30 % en premier choix, 58 % en second),
- Et dans une moindre mesure, une réduction du niveau de couverture, qui reste envisageable pour 21 % en première intention (et 52 % en seconde).
Ce consensus relatif autour de l’optimisation des moyens existants traduit une attente forte de justice sociale sans pression fiscale accrue.
Trois mesures sortent du lot : des îlots de consensus
Certaines propositions suscitent un large soutien dans la population, combinant acceptabilité forte et faible rejet :
- Affecter 1 % du budget de chaque ministère au vieillissement de la population (score net +20), perçu comme un effort symbolique fort sans création de nouveaux impôts.
- Mettre en place un prélèvement ciblé sur certaines catégories (revenus élevés, entreprises polluantes…) (+17), articulant équité et responsabilisation.
- Garantir un "panier moyen" de prise en charge modulable (+7), assurant un socle commun à tous avec des options personnalisables.
Ces mesures illustrent la recherche d’un équilibre entre solidarité, soutenabilité financière et lisibilité des dispositifs.
Un sujet qui divise selon l’âge et le genre
L’analyse sociologique de l’étude fait apparaître quatre grands profils d’opinion :
- Les résilients (41 %), convaincus que des efforts immédiats sont nécessaires pour éviter une crise.
- Les shifters (32 %), attentifs aux décisions politiques à venir pour se positionner.
- Les cornucopiens (16 %), confiants dans l’innovation pour résoudre la crise sans réforme profonde.
- Les désengagés (non mobilisés), peu sensibles à l’urgence du sujet.
Les préférences varient aussi selon les caractéristiques sociodémographiques :
- Les femmes, plus attachées à l’équité intergénérationnelle, soutiennent le redéploiement budgétaire et s’opposent aux baisses de couverture.
- Les hommes privilégient les mécanismes de responsabilisation individuelle.
- Les 25–34 ans, moins hostiles à l’innovation et à la hausse des contributions, mais peu favorables à une modulation de la couverture selon les moyens.
- Les 60 ans et plus défendent un système solidaire et sanctuarisent les budgets santé et éducation.
Recommandations : pour un financement durable et accepté par tous
L’étude débouche sur cinq recommandations opérationnelles :
- Prioriser les mesures les plus consensuelles : affectation budgétaire ciblée, prélèvement solidaire, panier de base modulable.
- Adapter les messages selon les publics cibles, en tenant compte de leurs valeurs et préoccupations.
- Renforcer la pédagogie, par des campagnes d’information claires et concrètes sur les dispositifs existants.
- Expérimenter localement des mécanismes de financement pour affiner les choix avant généralisation.
- Organiser une convention citoyenne, pour favoriser une délibération démocratique autour d’un enjeu d’avenir.
Un chantier collectif à ouvrir sans tarder
Alors que près de 10 % de la population aura plus de 80 ans en 2050, la question du financement de la perte d’autonomie devient centrale pour la pérennité de notre modèle social. Cette enquête rappelle l’importance d’une démarche concertée, progressive et lisible, qui respecte à la fois la capacité contributive des citoyens et l’exigence d’équité intergénérationnelle.
Retrouver les résultats détaillés de l’enquête ici.