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Publié le 16 mars 2023

Professionnels du domicile : les héros du quotidien

A l'occasion de la première journée nationale des aides à domicile, découvrez l'interview de trois professionnelles du secteur.

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Le 17 mars 2023 marque la première journée nationale des aides à domicile en France.

A cette occasion, la FEHAP souhaite remercier et mettre en lumière l’ensemble des intervenants à domicile qui, chaque jour, prennent soin des personnes âgées, malades ou en situation de handicap.

Maintien de l’autonomie de la personne et de ses habitudes de vie, évitement ou retardement du placement en institution, soutien social… Le rôle de ces professionnels est essentiel et le sera encore plus dans les prochaines années en raison du vieillissement de la population.

 

La FEHAP, fédération de référence du secteur privé solidaire en santé, rassemble plus de 455 structures associatives en lien avec le domicile :

  • Services d'aide aux personnes âgées ;
  • Services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) ;
  • Services d'aide-ménagère à domicile (AMD) ;
  • Services de repas à domicile, services de soins infirmiers à domicile (SSIAD)
  • Services polyvalents aide et soins à domicile (SPASAD).

Infirmière référente, aide-soignante, auxiliaire de vie sociale : trois professionnelles ont accepté de répondre à nos questions sur leur métier.

Découvrez ci-dessous leurs interviews !

« Les prises en soins sont de plus en plus longues »

Depuis 2003, Catherine Normand est infirmière référente au sein du service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) de la Maison de Santé Protestante de Bordeaux-Bagatelle (MSPB-Bagatelle), à Talence (33). Dans le cadre de ce poste, elle reçoit notamment les demandes d’accompagnement, effectue les évaluations et coordonne les équipes qui interviennent sur le terrain pour apporter aide et soins à domicile.

En quoi consiste la fonction d’infirmière référente au sein du SSIAD de la MSPB-Bagatelle ?

Le poste d’infirmière référente a été créé pour qu’il y ait une courroie de transmission entre le service et le terrain. Actuellement, nous sommes deux à occuper cette fonction, qui permet d’aller de la réception des demandes à l’accompagnement des familles après le décès, en passant par les évaluations et ajustements de l’accompagnement. Sauf en cas de crise, il n’y a donc pas de soins directs. Concrètement, on reçoit la demande, de la part des médecins ou des patients, puis nous nous rendons au domicile (ou à l’hôpital, pour anticiper la sortie) afin de réaliser un diagnostic complet des besoins de la personne (aides humaines, fréquence des visites, matériel, etc.). Nous organisons les interventions des auxiliaires de vie sociale (AVS), en lien avec les responsables de secteurs des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD), et celles des aides-soignants et infirmiers. Nous assurons ensuite la coordination, accompagnons les AVS pour l’utilisation du matériel lors des mobilisations et contribuons à la valorisation de leur métier comme de celui d’aide-soignante.

Quels sont les retours des patients et de leurs proches sur les soins apportés par le service ?

Comme ce sont eux (ou leur médecin) qui en font la demande, ils sont généralement contents de recevoir quelqu’un qui va pouvoir les aider. La plupart du temps, il s’agit de soins de nursing ou de soins infirmiers plutôt simples (préparation des médicaments, injections, perfusions sous-cutanées ou intramusculaires, évacuation des selles et urines, pansements, etc.). Si la personne a besoin de soins plus complexes, c’est l’HAD (hospitalisation à domicile) qui s’en occupe. Nous avons parfois quelques retours moins positifs sur la question des horaires de passage : tous aimeraient bien avoir une visite entre 9h et 10h30 mais ce n’est pas possible !

Quelles sont les difficultés rencontrées par les équipes ?

Certaines tournées sont difficiles pour les équipes car il y a beaucoup de mobilisations, de positionnements, avec des personnes très dépendantes. Dans ce cas, il faut être à deux pour effectuer les soins. Cependant, c’est compliqué à organiser car, on le sait, nous faisons face depuis plusieurs années à un manque réel d’effectifs… Parallèlement, les prises en soins sont de plus en plus longues, avec des patients physiquement très atteints, ceux que nous accompagnons jusqu’à la fin. Les aidants sont épuisés, eux-mêmes âgés ou malades. Le vieillissement de la population entraîne une augmentation et une évolution des besoins. Les problématiques se multiplient : à la dépendance s’ajoutent souvent l’isolement, la fragilité et la précarité. Notre objectif est bien sûr de respecter le souhait des personnes, de tout faire pour permettre leur maintien à domicile.

L’espérance de vie s’allonge et la durée des prises en charge également. A quel moment s’arrête l’intervention ?

La plupart du temps, nous accompagnons les personnes jusqu’au décès et même au-delà. En effet, après le décès, nous sommes présents pour la famille ou les aidants, avec qui nous avons souvent tissé des liens. Nous venons récupérer le matériel, ce qui permet aussi de prendre des nouvelles. Il y a eu une présence pendant des mois et des années, à raison d’une ou deux visites quotidiennes puis, du jour au lendemain, plus rien. Nous tâchons donc, le plus possible, de garder le contact. 

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« On se donne le temps qu’il faut »

Eloïse Dupart est aide-soignante au sein du service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) de la Maison de Sante Protestante de Bordeaux-Bagatelle, à Talence (33), depuis septembre 2020. A 25 ans, elle exerce ce métier avec enthousiasme, passionnée par le contact humain.

Qu’est-ce qui vous a conduit à exercer le métier d’aide-soignante ?

Au départ, je souhaitais devenir infirmière mais, au cours de mes études, j’ai réalisé que le métier d’aide-soignante me conviendrait davantage. L’accompagnement des patients et le fait d’avoir plus de temps avec eux me semblaient mieux convenir à mon caractère et à mon projet professionnel. Dans le métier d’infirmière, il y a le geste technique mais aussi une certaine somme de travail administratif. En 2019, j’ai donc demandé et obtenu une équivalence pour devenir aide-soignante. J’ai démarré en 2020, d’abord en intérim dans des EHPAD et cliniques puis, rapidement, au sein du SSIAD de la Maison de Sante Protestante de Bordeaux-Bagatelle, où je suis toujours. J’apprécie particulièrement le fait d’intervenir à domicile car les soins sont sur-mesure pour les personnes. On se donne le temps qu’il faut.  

Comment se déroule une journée complète ?

Je commence par me rendre dans les locaux du SSIAD à 7h pour les transmissions avant de démarrer la tournée du matin vers 7h20. On réalise généralement une dizaine de visites, jusqu’à 12h30/13h. Ensuite, on reprend avec la tournée du soir, qui s’effectue entre 16h30 et 19h30. Aide à la toilette, toilette complète, habillage, installation au fauteuil, installation dans le lit médicalisé… Nous intervenons pour les soins du quotidien.

Comment êtes-vous perçue par les personnes accompagnées, leurs familles ?

Sauf quelques rares exceptions, les retours des personnes accompagnées et de leur entourage sont très positifs. On le voit lors des enquêtes de satisfaction que nous faisons régulièrement. Dans la plupart des cas, notre venue est un vrai avantage car ils ne peuvent plus accomplir ces gestes seuls. Et, pour ceux qui sont vraiment isolés, nos visites permettent aussi des échanges, des discussions.

Quelles difficultés rencontrez-vous ? Y-a-t-il des malentendus, des gestes difficiles ?

Il peut y avoir des malentendus, au sens propre, avec des personnes malentendantes. En effet, on ne se comprend pas au départ car je ne parle pas assez fort. Puis j’adapte ma voix et ça va ! Ceci étant dit, le plus difficile pour moi, c’est lorsque j’interviens au domicile de personnes qui ont des troubles cognitifs importants et qui sont très agressives. Elles tapent, crient, mordent, nous insultent et refusent notre intervention avec véhémence. Parfois, on ne peut rien faire. Certaines familles veulent que l’on prodigue les soins à tout prix mais, dans la façon de procéder, s’il faut forcer, on arrive presque à de la maltraitance. Et dans le même temps, si on ne fait pas la toilette de la personne, c’est aussi de la maltraitance... C’est compliqué, certains jours plus que d’autres. Parfois, il faut changer d’aide-soignante. D’autres fois, les choses s’arrangent avec le temps. En outre, certaines « tournées » se font à deux : pour le moral aussi, c’est bien d’être en binôme.

Quand on est aide-soignante, on est dans le care sans être dans le soin technique : comment gérez-vous cette situation ?

A chacun son métier ! Les auxiliaires de vie sont là pour certaines missions, les infirmières pour d’autres et nous pour d’autres encore. S’il y a un problème avec le pilulier, j’explique que ce n’est pas mon rôle et vérifie quand est prévu le passage de l’infirmier. En effet, les aides-soignants peuvent donner les médicaments mais pas les préparer. En revanche, si je constate une petite escarre sur un patient, je peux réaliser un pansement simple. En général, j’envoie d’abord une photo à l’infirmière référente pour avoir son avis. Mon rôle, c’est que les patients se sentent bien, soient confortables après la toilette et/ou les mobilisations. Je leur dit souvent : ce n’est pas de vous laver qui m’importe, c’est le confort que vous ressentirez ensuite ! De la même manière, quand je demande à un patient s’il est confortable dans son lit médicalisé avant que je parte, je veux entendre un « oui » convaincant. Mon objectif est qu’il soit bien installé, vraiment bien. Si ce n’est pas le cas, on recommence.

Enfin, si vous deviez vous identifier à un super-héros, qui serait-il et pourquoi ?

J’aime beaucoup les super-héros mais ne peux pas répondre à cette question car, à ma connaissance, il n’existe pas de super aide-soignante ou de super-infirmière. Même Wonder Woman n’est pas une super aide-soignante... Je devrais peut-être écrire à Marvel pour leur suggérer l’idée !

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« C’est un métier extraordinaire »

Rachida Kamal est auxiliaire de vie sociale (AVS) au sein du service d’aide de l’association Gammes, à Montpelier (34), depuis mars 2003. En 2022, elle a démarré une formation pour devenir aide-soignante. Passionnée par son métier, par l’humain, elle souhaite acquérir de nouvelles compétences pour accompagner les personnes à domicile le mieux possible. De l’aide au soin, il n’y a qu’un pas qu’elle franchit au quotidien.

Qu’est-ce qui vous a conduit à exercer ce métier ?

Je suis entrée dans le métier en 1997 comme employée polyvalente puis auxiliaire de vie, dans un EHPAD. L’apprentissage a duré deux ans. J’ai rapidement su que c’était ce que je voulais faire de ma vie : être dans l’aide, le soin, soulager les personnes, mettre de la joie dans leur quotidien, faire preuve d’écoute… Dès le départ, j’avais envie d’être auprès de ceux qui sont en difficultés, de ceux qui souffrent et, une fois formée, j’ai souhaité le faire dans le cadre du domicile. Je trouve qu’on a un peu plus de temps, que la communication avec la personne accompagnée est plus riche, plus fluide, plus agréable. Elle voit que je suis là juste pour elle, quelle que soit la tâche, repas, toilette, coiffure, sortie à l’extérieur… Cette disponibilité est pour moi une composante essentielle du métier.

Comment êtes-vous perçue par les personnes accompagnées, leurs familles ?

En 20 ans comme AVS chez Gammes, j’ai accompagné plusieurs centaines de personnes. Je trouve ce métier extraordinaire. On me surnomme le « rayon de soleil » car on me dit que j’apporte de la joie dans les maisons. Mais cette énergie est directement liée aux sourires des patients, de leurs familles ! Jusqu’à présent, je n’ai eu que des bons retours car je donne tout ce que j’ai à donner, en faisant mon travail, tout simplement. Le plus important ? Quand je quitte le domicile d’un patient, il doit être en sécurité, soulagé, confortable et souriant.

Quelles difficultés rencontrez-vous ? Y-a-t-il des malentendus, des gestes difficiles ?

Je suis d’origine marocaine et, quand j’ai démarré, il y a eu quelques comportements racistes. Mais c’était vraiment marginal, la plupart m’ont vite adoptée. Cependant, quand ce n’est pas le cas, quand il y a le moindre risque de conflit ou de malentendu avec un patient et son entourage, l’association Gammes, très à l’écoute, fait en sorte qu’il y ait un changement d’AVS. La confiance et la qualité du relationnel avec les familles sont indispensables pour faire ce métier correctement. En outre, il y a parfois des moments où la personne est agressive avec nous. Malade, âgée, en perte d’autonomie… C’est la douleur qui parle, pas la personne en tant que telle. On ne doit pas le prendre pour nous. Il ne faut pas se focaliser sur le mot qui est dit mais essayer de savoir pourquoi. Faire preuve de compréhension et savoir prendre de la distance sont des savoir-être indispensables pour travailler dans l’aide et le soin à domicile.

Vous êtes AVS et bientôt aide-soignante. Pourquoi est-ce important pour vous de continuer à vous former ?

En tant qu’AVS, on s’améliore tous les jours, sur le terrain. Ayant désormais de l’expérience, c’était pour moi logique d’acquérir des compétences supplémentaires grâce à la formation. Connaître davantage de pathologies, maîtriser de nouveaux gestes, être en mesure d’accompagner la personne de plus en plus « globalement »… C’est une façon d’évoluer dans mes attributions tout en continuant à mobiliser les qualités humaines qui sont à la racine de nos métiers.

Enfin, si vous deviez vous identifier à un super-héros, qui serait-il et pourquoi ?

Je ne peux pas vraiment répondre à cette question car je ne connais pas de super-héros dont le super pouvoir est de soigner les malades ! Chaque jour, mon travail consiste à essayer de soulager la souffrance des personnes que je visite, à ma mesure. Ceci dit, si on me donnait une baguette magique, je l’utiliserais sans aucun doute pour faire disparaître la souffrance des patients.

www.gammes.org